La famille VITEL, ancrée à Lannebert dès le XVIIème siècle et probablement avant, constitue une branche importante de la famille JEAN.
S'agissant des ascendants de la famille RENAULT-JEAN, la représentante la plus proche est Marie Reine VITEL (Lannebert 1846 - St-Brieuc 1920), épouse de Louis JEAN et mère de Anne Louise et de Marie Augustine JEAN Elle est la dernière personne entièrement bretonnante n'ayant sans doute presque jamais fait usage du français.
La famille VITEL a fourni de nombreuses autres branches, souvent attachées au travail de la terre ou de la mer et, à partir de la fin du XIXème siècle, à la marine de l'Etat.
Marie Reine VITEL (1846-1920)
Marie Reine VITEL illustre ce qu'était généralement la vie des femmes dans les campagnes : née à Lannebert, elle y a passé le plus clair de sa vie. Le périmètre de sa commune natale, entièrement bretonnante à l'époque, ne rendait pas l'usage d'une autre langue nécessaire.
Née avant l'établissement de l'école obligatoire, elle n'apprit jamais le français et n'en fit probablement jamais usage (voir à ce propos l'article sur les langues de la famille).
Elle habite au village de Liscorno une maison encore visible de nos jours, et y mène une vie modeste mais probablement paisible. Son mari Louis JEAN, maître canonnier de la marine de l'Etat, y prend sa retraite et le couple restera à Liscorno jusqu'à la mort de Louis en 1911.
A cette date, ne pouvant ou ne souhaitant pas rester seule, Marie Reine est hébergée à St-Brieuc par sa fille Anne Louise qui dirige l'école maternelle annexe de l'école normale d'institutrices. C'est là qu'elle décèdera le 17 janvier 1920. Elle est inhumée au cimetière St-Michel.
François, Gilles et Félix VITEL, trois frères au service de leur devoir en mer
François (né en 1874), Gilles (né en 1876) et Félix (né en 1881) sont trois des quatre fils de François VITEL et de Marie (dite Maï) OLLIVIER.
La famille, qui habite Lannebert, comprend également Evence (né en 1873) et Anne Marie (1878).
Située à la campagne, la commune fournit alors de nombreuses activités agricoles et la culture du lin domine encore l'ensemble de l'économie en cette deuxième moitié du XIXème siècle.
La concurrence des filatures du nord de la France est cependant rude, et la production de toile du Goëlo périclite peu à peu malgré les besoins importants de la marine de pêche.
La pêche à la morue s'est en effet considérablement développée et les ports de Paimpol et de St-Malo se développent alors rapidement.
Dans ce contexte, l'économie crée de nombreux emplois en mer en même temps que l'Etat engage dans sa marine en plein développement, la fameuse "Royale", des mousses provenant de campagnes très peuplées et largement paupérisées.
Les trois frères VITEL choisiront de tenter leur chance en quittant la terre de Lannebert et en s'engageant vers des emplois maritimes.
L'aîné, François VITEL (1874-1953) s'engage dans la "Royale" comme de très nombreux jeunes de la région. Il y gravira de nombreux échelons, embarquera très souvent en mer, découvrira des contrées alors inconnues de la population de Lannebert, fera souvent relâche à Toulon qui est déjà, à côté de Brest, un port militaire stratégique depuis l'ouverture du canal de Suez en 1859.
C'est à Toulon qu'il s'installera définitivement. Son mariage avec Toussainte SOAVI lui donnera des enfants et petits-enfants qui s'engageront dans la vie politique locale : son fils Jean VITEL (1912-2003), médecin, sera député du Var et maire-adjoint de Toulon. Son petit-fils, Philippe VITEL (né en 1955), également médecin, est actuellement conseiller régional et vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Gilles et Félix ne connaîtront hélas pas le même destin.
Gilles VITEL (1876-1896) et la pêche périlleuse en Islande.
Gilles opte pour un emploi de marin-pêcheur hauturier auprès d'armateurs paimpolais et malouins qui recrutent des jeunes gens pour la pêche en Islande.
Lors de la campagne de grande pêche à la morue du printemps 1896, il est inscrit au quartier de Paimpol et embarque en tant que novice à St-Malo à bord du brick-goélette Dadin. Il a alors seulement 19 ans.
Muni de ses doris, le navire fait route vers la zone de pêche, l'Islande et St-Pierre et Miquelon.
Arrivé sur zone, l'équipage met à l'eau les doris, embarcations légères qui permettent l'approche du poisson et la pêche à la ligne. Chaque bateau comprend deux hommes : le patron et l'avant de doris. Compte tenu de sa faible expérience, c'est cette dernière fonction qui est confiée à Gilles. Les hommes se situent alors à 48°18'de latitude Nord et 38°35'de longitude Ouest.
Que se passe-t-il en ce tragique jour du 24 avril ? Il n'y a aucun témoignage de la chute de Gilles, et peut-être aussi du patron, dans l'eau glacée de l'Atlantique Nord.
François VITEL et Maï OLLIVIER ne reverront jamais leur fils, définitivement prisonnier, à des milliers de kilomètres de Lannebert, d'un océan qui nourrit la population mais qui peut aussi dévorer ses enfants.
Note : on retrouvera les éléments reconstituant ce drame sur l'acte de décès de Gilles VITEL, ainsi que sur le site de l'Arche Musée et Archives de St-Pierre et Miquelon.
Félix VITEL (1881-1915) et le drame du Bouvet.
Félix, quant à lui, fera comme son frère François le choix de la "Royale". Incorporé comme simple mousse, il monte rapidement en grade et passe second-maître distributeur.
En 1915, en plein conflit mondial, il est embarqué sur le cuirassé Bouvet qui, avec le Charlemagne, le Suffren et le Gaulois, épaule la flotte britannique dans la bataille des Dardanelles, délicate mission d'attaque des forces ottomanes destinée à soulager l'armée russe sur le front oriental du conflit.
Le détroit des Dardanelles est fortement protégé par les Ottomans, tant par des batteries d'artillerie côtières que par d'innombrables mines dérivantes qui rendent la circulation des navires particulièrement difficile.
Le Bouvet est rapidement touché.
"Les huit impacts de l'artillerie ennemie ne lui causent cependant que des dommages légers. Plus problématique, son canon de 305 mm situé à l'avant est hors d’usage suite à une avarie. Lorsque l'amiral donne l'ordre de la relève, le Bouvet fait demi-tour mais heurte une mine ennemie. Le cuirassé est touché au centre à tribord, sous la ligne de flottaison au niveau de sa tourelle de 274 mm. L’explosion est tellement violente qu’elle cause une voie d'eau et inonde les machines. Le Bouvet se couche très rapidement. Ce chavirage s’explique aisément selon le CA (2S) Eric Vicaire, passionné par cette affaire : « À cause d’une conception erronée du compartimentage de la coque, les cuirassés de ce type étaient réputés chavirables si l’on ne contrebalançait pas rapidement la voie d’eau. Même Émile Bertin, le grand ingénieur des constructions navales et du Génie maritime, avait relevé cette défaillance. Il ne sera pourtant pas écouté et les modifications proposées ne furent pas retenues». "
[Source : https://www.colsbleus.fr/articles/7219
Le 18 mars 1915, le cuirassé Bouvet coule en une seule minute, entraînant dans la mort Félix VITEL et 647 autres marins dont un très grand nombre de jeunes gens originaires de la région de Paimpol.
Un second fils de François VITEL et de Maï OLLIVIER repose à son tour en mer.
Tous deux auront été victimes de leur devoir en mer.
Création : mai 2021
Mise à jour : mai 2021