C'est le 14 octobre 1776 à Gommenec'h que Guy JAN et Louise EVEN donnent naissance à Louis JAN. Il sera un de nos ancêtres à vivre le plus longtemps, car mourir à 72 ans à cette époque constitue un bel exploit.
Louis a 14 ans quand la Révolution, qui était encore parisienne et lointaine, fait irruption dans la vie des habitants de Gommenec'h et de la région.
En 1790, le nouveau pouvoir récemment mis en place somme les recteurs et les vicaires de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Les ministres du culte sont divisés. La majorité d'entre eux choisit la loyauté au nouveau régime, et, à travers lui, au roi qui a signé cette constitution. C'est ainsi que l'un des premiers à prêter ce serment dans le département des Côtes-du-Nord (invention administrative toute récente) est le recteur de Lannebert, Jean-Marie Jacob, le 6 février 1791 du haut de la chaire de la chapelle de Liscorno à l'occasion d'une grand-messe qu'il avait souhaitée particulièrement solennelle. Cet acte lui vaudra peu de temps après d'être nommé évêque constitutionnel -et ô combien impopulaire- de St-Brieuc.
L'abbé Piriou, recteur de Gommenec'h et l'un de ses deux vicaires en font autant, peut-être plus par peur d'éventuelles représailles que par réelle conviction.
Prêter serment ne va pas toujours sans quelques risques. L'abbé Le Guen, vicaire à Lannebert, sera nommé recteur constitutionnel de la Roche-Derrien, mais il se fait lapider par un groupe de femmes.
La répression ne tarde pas à sévir à l'encontre des prêtres réfractaires. L'action commise par les troupes républicaines, en vue de faire valoir le nouveau droit révolutionnaire, entraîne plus ou moins rapidement une réaction chouanne et inversement.
S'installe ainsi lentement le règne de la Terreur qui, de 1792 à 1800, va parfois mettre la campagne à feu et à sang.
La présence à Gommenec'h de la famille royaliste de Kergaff qui s'illustrera dans les guerres de Vendée a pu donner à l'ambiance politique locale une densité particulière.
Les premières violences commencent en effet en 1792, année de la proclamation de la République.
Il y a alors à Ploumiliau, à l'autre bout du Trégor, un recteur qui refuse de prêter serment. Il s'appelle Gui Morice. Etant né à Gommenec'h, il est bien connu de notre famille. Menacé et poursuivi, l'abbé Morice commet l'erreur fatale de venir se réfugier dans sa paroisse natale. Il y est immédiatement arrêté puis conduit à Dinan et exilé à Jersey le 20 septembre 1792.
Les esprits, à Gommenec'h, restent choqués par l'arrestation brutale d'un enfant du pays, recteur de surcroît. Pour Gui Morice, les évènements ne tourneront pas au drame et le Concordat lui permettra de revenir au pays où il sera nommé fin 1803 à la cure de Lanvollon [1].
Les évènements se durcissent à partir de 1793 et surtout 1795 en raison de l'intransigeance du comité de salut public, puis du Directoire.
On va jusqu'à demander aux prêtres, même à ceux qui ont prêté serment, d'abdiquer et d'abandonner toute activité religieuse. L'arrêté Le Carpentier du 25 juin 1794 commande l'arrestation de tout prêtre qui n'aurait pas renoncé à sa fonction. Les troupes républicaines sont autorisées à procéder à la fouille de toute maison suspectée de cacher un prêtre, réfractaire ou non.
Un des vicaires de Gommenec'h, l'abbé Lemoine, avait refusé de prêter serment. Sa notoriété allait jusqu'à Dinan. Il parvenait à officier la nuit dans quelque cache.
Il est surpris en 1795 à l'issue d'un office qu'il a osé donner dans l'église paroissiale. La troupe se saisit de l'intéressé et l'adosse au mur de sa sacristie. En plein jour, devant de nombreux témoins et sans autre forme de procès, le prêtre est fusillé. La troupe regagne alors son casernement de Lanvollon.
Ce drame relaté par J.Darsel dans son ouvrage sur Lanvollon doit être considéré avec précaution, l'absence de trace écrite du décès et l'existence d'un évènement identique à Goméné (et non Gommenec'h) laissant penser à une possible confusion.
Louis JAN avait 19 ans quand ce sanglant évènement se serait déroulé dans sa propre paroisse.
Dans l'hypothèse où il aurait eu lieu, nul ne sait bien sûr quel aurait été alors son comportement, mais on peut raisonnablement penser qu'il n'aurait pas été insensible à la déportation d'un ami de la famille et à la mise à mort du vicaire réfractaire de la paroisse.
Quoi qu'il en soit, son mariage l'année suivante dans la « maison commune », haut lieu de culte républicain, laisse à penser qu'il ne commît pas d'acte répréhensible aux yeux des « bleus ».
Les choses en restèrent là à Gommenec'h, mais les paroisses voisines devaient à leur tour être le théâtre des pires violences.
En 1796, ce sont les Chouans qui fusillent le maire de Goudelin et son fils recteur assermenté de St-Gilles-Pligeaux[2]. De 1795 à 1800, on ne compte plus les faits d'armes et les massacres à Plourhan, Lantic, Pommerit-le-Vicomte ...