Pourquoi le site Généarenault ?

"J'ai souvent pensé que la plus grande et la plus émouvante histoire serait l'histoire des hommes sans histoire, des hommes sans papiers, mais elle est impossible à écrire".

 

Jean GUEHENNO, Changer la vie, 1961.

 

 

Ce propos que je partage pleinement ouvre L'histoire populaire de la Bretagne (Alain Croix et al., Presses Universitaires de Rennes, 2019).

 

On ne saurait mieux résumer l'esprit qui m'anime depuis le plus jeune âge : tenter de donner un visage, un métier, un lieu de vie et une pensée à tous les anonymes qui nous ont précédés et sans lesquels nous ne serions pas au nombre des habitants de cette Terre.

 

L'enseignement de l'Histoire nous abreuvait jadis des faits et gestes des Grands de ce Monde, des rois et des reines, des tyrans, de leurs guerres et de leurs conflits territoriaux. Mais elle ignorait superbement ceux-là même qui faisaient la vie quotidienne d'un pays ou d'une époque, qui produisaient des richesses parfois confisquées, qui donnaient leur corps et leur vie dans des guerres qui ne les concernaient pas.

 

Elle ignorait, dans la cécité du roman national en pleine création, les populations rurales nombreuses et peu francisées, les illettrés, les masses immenses de pauvres et de laborieux. En bref, elle passait sous silence la majeure partie des Français, et notamment ceux dont nous pouvons être fiers d'être les descendants.

 

La Révolution ne donna pas toujours la parole à ces populations que l'on suspectait parfois de fidélité à l'Ancien Régime, et qui ne purent même pas acheter les terres qu'ils travaillaient, la bourgeoisie locale les ayant rachetées à l'Etat après la confiscation des biens de la noblesse.

 

Sortir de l'anonymat nos nombreux aïeux, leur rendre leur identité, leur donner presque la parole : ce pari un peu fou m'a motivé très tôt, comme une contribution, modeste sans doute, à la reconnaissance des acteurs inconnus de la vie de tous les jours, durant des siècles.

 

Sans doute y a-t-il dans cette démarche la recherche d'un "commun" à partager, à travers les siècles et les latitudes, avec les êtres dont nous partageons l'histoire par le seul fait généalogique, qu'il s'agisse de nos ascendants ou de nos descendants, actuels et à venir.

 

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Au-delà d’un traditionnel arbre généalogique sur lequel on se penche respectueusement avec distance ou curiosité, je tente de chercher un mouvement au hasard apparent de l’histoire familiale, en m’appuyant sur les informations dont je dispose et dont le volume s'accroît régulièrement.

 

A partir de données trouvées dans les archives familiales, communales et départementales, associatives ou privées, je souhaite retracer la continuité d’une vie à travers les siècles. Proposer une histoire familiale qui trouverait son propre sens dans l’Histoire d'un pays ou d'une période, en repérant un fil commun à celui de la société et en transformant l’anecdote ancienne en message de vie qui puisse nous parler encore aujourd’hui.

 

En bref, j’ai essayé de replacer les familles Renault, Jean, Le Baill et Morlais dans un cadre plus universel sans se limiter à elles seules, en faisant d’un recueil de faits passés une lecture contemporaine et d’avenir.

 

Dans cette approche, l’intérêt de la connaissance des prénoms ou des dates, ce fameux arbre généalogique, repose surtout sur le lien social et historique qu’elle permet de tisser au fil des siècles : s’il peut être intéressant pour quelques uns de savoir que Joseph Renault est né le 24 février 1834 à La Malhoure et décédé le 25 juillet 1894 au Gouray, c’est surtout sa naissance dans une ferme surpeuplée, son départ à la guerre par le hasard du tirage au sort, et la compensation de ses graves blessures par l’Etat qui retiennent notre intérêt. 

 

En une génération, les diverses branches de la famille Renault, souvent très pauvres mais riches d’une culture paysanne gallésante, bretonnante, artésienne ou berrichonne millénaire, ont acquis au XIXème siècle par le rôle émergent de la République et de l’Etat-Providence un statut social radicalement nouveau, affranchi du travail de la terre mais dépendant de la dynamique et parfois de la rudesse des politiques publiques.

 

Comme Joseph Renault évoqué précédemment, chacun d’entre nous s’inscrit individuellement dans la mise en marche plus globale de l’Histoire du pays et du Monde.

 

Depuis l’origine de mes recherches vers 1970, je me méfie du mot "généalogie" qui oscille trop souvent entre technique austère de paléographe et propos un peu bavards sur les charmes et avantages supposés du bon vieux temps.

Avec ce mot commode dont on abuse parfois, nous ne sommes jamais loin du contresens : il y aurait dans cette démarche la nostalgie d’un bonheur perdu, et les généalogistes seraient de doux rêveurs tournés vers le passé.

 

La réalité est plus complexe, et la recherche généalogique peut relever de nombreux types d’approche : trouver du sens à notre présence actuelle et à notre origine, trouver une contribution familiale à la marche de l’Histoire, trouver les indices du passage de nos ancêtres inconnus dans une démarche méthodique d’enquêteur, rêver romantiquement à un passé révolu, tisser un réseau de cousins inconnus, nourrir sa réflexion sur le brassage des populations…

Tous les grands sujets culturels, historiques, philosophiques ou scientifiques d’aujourd’hui peuvent se nourrir à des degrés divers d’un apport de la généalogie.

 

A l’heure où se développe le concept de citoyen du Monde, j’ai voulu y ajouter la dimension du temps : nous sommes citoyens de l’histoire du Monde, celle d’aujourd’hui et de demain, qui s’enracine dans la vie, les faits et les gestes de tous nos ancêtres.

Par nos différences individuelles, par les particularités des groupes sociaux et culturels que nous formons et qui évoluent sans cesse depuis les origines, nous construisons ensemble notre richesse commune.

 

Là est le "commun", et là se situe également notre liberté individuelle : l'histoire familiale, soutenue par la généalogie, décrit ce qui a été mais nullement ce qui sera. Cette démarche n'est en rien prédéterminante et laisse à chacun la liberté de construire chaque jour l'avenir qu'il veut et qu'il peut.

 

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Je remercie toutes celles et tous ceux qui m’ont encouragé à engager des recherches et à les poursuivre, et notamment mes parents Jean RENAULT et Marie LE BAILL dont la curiosité et la mémoire des faits ont su me séduire, me faire rêver, et me donner l’envie d’écrire dans le sillage de l’éphémère avant qu’il ne s’évanouisse à jamais.

 

Je remercie également celles et ceux qui m’ont fourni de précieux renseignements. S’ils sont trop nombreux pour que je les cite tous, que soit particulièrement remerciée Denise Beaussaut dont le travail tenace m’a permis de compléter mes propres sources d’informations.

 

Il s’agit d’un bilan d’étape, toujours en devenir, qui fait état des recherches généalogiques et historiques sur la famille Renault et les branches familiales qui lui sont liées.

Tâche commencée il y a près de cinquante ans et poursuivie ou interrompue au gré des nombreux aléas de mon temps libre et de ma persévérance…

 

 

 

 

Jean-Marie Renault

 

Nantes, avril 2008

Quimper, octobre 2023

 

 

(c) Jean-Marie Renault, 2008-2024

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