Aujourd'hui, nous voici de retour à La Malhoure (Côtes-du-Nord) où la ferme du Grand Clos a constitué le berceau de mes ancêtres Renaud/Renault pendant au moins deux siècles.
On se souvient (revoir l'article) que cette métairie appartenait aux XVIIème et XVIIIème siècles à la famille Urvoy de Clos Madeuc. Mes ancêtres en étaient les locataires et payaient leur loyer en deux ou trois échéances annuelles.
Nous ne savons pas encore précisément (recherches en cours) s'il s'agissait de fermage (loyer fixe, quels que soient les revenus) ou de métayage (loyer indexé sur le montant des recettes), même si les actes paroissiaux évoquent plus souvent la "métairie" du Grand Clos.
Blason de Closmadeuc.
D'argent à trois chouettes de sable becquées, membrées et allumées de gueules.
(Couleurs héraldiques : argent = blanc, sable = noir, gueules = rouge)
Au début du XVIIIème siècle, la métairie appartient à Charles URVOY, écuyer, qui possède « maison, métairie, grange, cour, terres et environs » (Aveu du 27 mai 1690, Table des applications de la paroisse de la Malhoure, maison et métairie nobles du Grand Clos, Archives départementales des Côtes d'Armor, 1 E 515).
Charles URVOY est précisé "du Clos Madeuc", ou "Closmadeuc", pour distinguer cette famille des URVOY "de la Roche" qui possèdent également des terres dans la même paroisse.
Il existe d'autres branches familiales, les URVOY de Portzamparc et les URVOY de Saint-Bedan, installées dans d'autres parties de l'ancien duché de Bretagne.
Le Clos Madeuc et La Roche sont deux propriétés de La Malhoure qui appartiennent probablement à l'origine à une seule et même famille URVOY.
Paroisse de La Malhoure : localisation de la ferme du Grand Clos, des domaines
du Clos Madeuc et de la Roche, et de l'église paroissiale (en vert)
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Les deux familles URVOY possèdent tout ou partie des terres de La Malhoure et de nombreuses autres paroisses du Penthièvre (châtellenie de Lamballe et du Mené).
Leur pouvoir local est important. Propriétaires des terres, ils se voient respectés par les fermiers qui n'ont pas d'autre choix que de s'assurer la sympathie de personnes dont ils dépendent entièrement.
Ce respect, diplomatique ou sincère, on le voit dans le choix que font mes ancêtres aux moments importants de la vie familiale, notamment lors des baptêmes et des mariages.
C'est ainsi que Charles URVOY, probable propriétaire de leur ferme, est choisi en 1655 par mes aïeuls Pierre MORDEL (mon Sosa 524) et Catherine GOUEBOT (ma Sosa 525) pour être le parrain de leur fille Louise.
Acte de baptême de Louise MORDEL le 14 décembre 1655 à La Malhoure
(Archives Départementales des Côtes d'Armor) [cliquer pour agrandir]
"Louise Mordel, fille Pierre Mordel et Catherine Gouaybault sa femme a été baptisée en l'église de La Malhoure par Messire Jacques Coquiot [...] d'icelle, et a eu pour parrain écuyer Charles Urvoy le Jeune, sieur du Clos Madeuc, et maraine Louise Mordel ce quatorzième décembre mil six cent cinquante cinq".
Charles URVOY du Clos Madeuc est ici mentionné "le Jeune" pour le distinguer d'un de ses ascendants, autre Charles URVOY probablement natif du Clos Madeuc.
Quelques années plus tard, c'est l'écuyer Mathurin URVOY qui est choisi le 22 janvier 1700 par mes ascendants François RENAULT (Sosa 256) et Jeanne THOMAS (Sosa 257), cultivateurs à La Malhoure, pour être le parrain de leur fils Mathurin. La marraine, issue également de la vieille noblesse locale qui s'est illustrée lors des Croisades, est Pétronille de Bois Bily.
C'est ainsi que mon ancêtre Mathurin, Sosa n°256 (9ème génération) portât le prénom du propriétaire des lieux...
Acte de baptême de Mathurin RENAULT le 22 janvier 1700 à La Malhoure
(Archives Départementales des Côtes d'Armor) [cliquer pour agrandir]
"Mathurin fils François Renault et Janne Thomas sa femme a été nommé et baptizé dans l'église de La Malhoure. Ont été parrain écuyer Mathurin Urvoy et marraine demoiselle Pétronille du Boisbily Dame dudit lieu, le vingt deuxième janvier mil sept cent".
Enfin, on retrouve la famille URVOY lors du mariage de Françoise RENAUD, fille de Mathurin RENAUD (mon Sosa n°256 dont on vient d'évoquer le baptême ci-dessus) et de Anne LABBE, avec Jacques DURAND à La Malhoure en 1752.
Plusieurs propriétaires terriens sont présents, les URVOY sans doute invités par le père de la mariée en tant que propriétaires du Grand Clos, les Pinel de la Chesnaye sans doute présents à l'invitation de la famille du marié.
Acte de mariage de Jacques DURAND et Françoise RENAUD le 7 février 1752
à La Malhoure (Archives Départementales des Côtes d'Armor) [cliquer pour agrandir]
"Le septième février mil sept cent cinquante deux, j'ai administré la bénédiction nuptiale à honorables gens Jacques Durand majeur d'âge, laboureur de profession, et Françoise Renaud, lesquels deux ne sçavent signer, en présence de Mathurin Renaud père de l'épouse, de Jan de Closmadeuc, Madame de la Roche, Monsieur de la Chesnaye Pinel, et plusieurs autres qui signent.
Signé :
Arnault de Closmadeuc, Pinel de la Chesnaye, Urvoÿ de la Roche, Urvoy du Closmadeuc".
Comme on le voit, la noblesse locale joue quotidiennement un rôle économique et social central dans la vie de nos ancêtres cultivateurs.
Ceux-ci connaissent le statut précaire d'exploitant agricole, redevable aux propriétaires du droit de cultiver leurs terres.
Cet article, centré sur la dépendance sociale de nos ancêtres cultivateurs à l'égard de leurs propriétaires, ne traite pas pour elles-mêmes des diverses branches de la famille URVOY.
Reconnues nobles d'extraction ancienne par le duc de Bretagne, les branches de la famille URVOY originaires de La Malhoure, de Landéhen et la Touche-Trébry ont essaimé dans la province.
Comme beaucoup de familles nobles, elles ont difficilement vécu la période de la Révolution et se sont vu confisquer leurs biens, revendus aussitôt aux plus offrants.
Parmi les descendants les plus illustres de la famille URVOY de Closmadeuc, on peut citer :
Nous sommes désormais bien loin de la situation de nos ancêtres paysans, dépendant du recteur et de la noblesse locale. Toutefois, la Révolution, en revendant les biens de la noblesse, n'a pas permis à la plupart des cultivateurs, trop pauvres, de se rendre propriétaires des biens qu'ils cultivaient.
Les terres ont été souvent rachetées par une petite bourgeoisie émergente des bourgs et des villes, ou par les nobles locaux qui en avaient gardé les moyens.
Aujourd'hui, la grande majorité des cultivateurs est propriétaire de tout ou partie de ses exploitations.
Quant à la noblesse, et notamment la famille URVOY, elle a vogué vers d'autres horizons. Militaires du roi puis de l'Empire, les URVOY ont quitté le Penthièvre pour la Ville et se sont parfois très fortement illustrés.
Jean-Marie Renault
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Nadège Cresson (lundi, 25 novembre 2024 09:38)
Tous mes ancêtres URVOY viennent de la Loire-Atlantique. Article intéressant que je garde sous le coude.