Clocher de La Malhoure (photo Wikipedia)
La Malhoure, aujourd'hui commune des Côtes d'Armor, située au sud de Lamballe, était avant la Révolution une paroisse de l'évêché de Saint-Brieuc d'environ 350 âmes.
Cette localité a été habitée par mes ascendants RENAUD, devenus RENAULT, durant au moins 200 ans. Les premières mentions apparaissent dans les registres paroissiaux en 1623. Le 11 mars de cette année-là naît Charles RENAULT, fils d’Eustache RENAULT et de Catherine LE MICHELLE.
Rien ne précise alors le domicile exact de la famille dans cette localité.
C'est en 1695, puis surtout en 1700, que se précise la probabilité de la présence d'ascendants à la métairie du Grand Clos.
Localisation de La Malhoure (province de Bretagne, évêché de Saint-Brieuc)
[cliquer pour agrandir]
Le 3 novembre 1695, mes ancêtres François RENAULT et Jeanne THOMAS se marient en l'église de La Malhoure, consacrée au culte de Saint Évent.
En 1700 naît leur fils Mathurin, mon "Sosa 128" séparé de moi par 8 générations. Rien n'indique qu'il soit né à la ferme du Grand Clos, mais le fait que son parrain soit l'écuyer Mathurin URVOY, issu d'une famille propriétaire du Grand Clos, laisse penser que c'est bien dans cette ferme que demeure déjà en 1700 la famille RENAULT (RENAUD).
Conformément à l'usage, l'enfant porte le prénom de son parrain. Le choix de la marraine, Pétronille de Bois Billy, dame dudit lieu, renforce le lien existant entre la famille et la petite noblesse locale, propriétaire foncière, avec laquelle il est utile d'être en bonne relation.
Le 27 mai 1730, le doute n'est plus possible lors de la naissance de son fils Jean RENAUD. L'acte de baptême de ce dernier porte la mention :
"Jean fils légitime de Mathurin Renaud et de Jeanne Labbé son épouse du Grand Clos né le 26ème may (...)".
Mathurin décède subitement au Grand Clos le 14 juillet 1759 :
"Le quatorze du mois de juillet mil sept cent cinquante neuf, le corps de Mathurin Renault demeurant en la métairie du Grand Clos, décédé de mort subite, âgé d'environ soixante ans, a été inhumé sous le banc du Rosaire par moi, soussigné recteur (...)"
Les générations RENAUD (RENAULT) vont se succéder jusqu'en 1869 à la tête de la ferme du Grand Clos.
Le 7 juillet 1869 François RENAUD, qui conduit alors l'exploitation dont il a hérité en tant que fils aîné, meurt prématurément à l'âge de 48 ans. Il laisse sa veuve Jeanne Brouté et leurs 6 enfants, qui sont rapidement contraints de quitter la ferme pour s'installer dans la forêt de la Hunaudaye. J'ai écrit dans un récent article (voir) la triste fin de cette famille à Plédéliac.
Mon propre arrière-grand-père Joseph RENAUD, frère de François, était né au Grand Clos en 1834 et avait alors déjà quitté la ferme pour aller s'installer au Gouray.
C'est ainsi que, aussi soudainement que tragiquement, la mort de François RENAUD a sonné la fin de deux siècles de présence de mes ascendants à la ferme du Grand Clos.
Vue partielle de la ferme du Grand Clos en La Malhoure (photo JMR 2020)
Au début du XVIIIème siècle, la métairie du Grand Clos appartient à Charles URVOY, écuyer, qui possède « maison, métairie, grange, cour, terres et environs » comme l'indique un aveu du 27 mai 1690 (AD22, 1E515).
J'ai pu reconstituer les surfaces cultivées par ma famille dans les années 1785-1789 grâce au plan-terrier du duché de Penthièvre (AD22, feuille 1, parcelles 1 à 344).
En reprenant la liste des parcelles du plan-terrier et leur attribution, la reconstitution de la ferme des RENAUD donne le foncier suivant, sur lequel les parcelles colorées sont celles exploitées par mes ascendants François RENAUD et Louise RUELLAND à l'approche de la Révolution :
Les parcelles du Grand Clos vers 1785 [cliquer pour agrandir]
Les terres cultivées du Grand Clos représentent alors une superficie totale de 19,6 jours (9,8 ha) composée de 7 parcelles, auxquelles s'ajoute une prairie naturelle le long du ruisseau de la Touche qui sépare la paroisse de La Malhoure de celle de Plestan :
D'un total de presque 10 ha, les terres du Grand Clos sont celles d'une grande ferme à l'époque.
Nous sommes bien loin des superficies des fermes actuelles, mais tout le travail se fait alors à la main ou à l'aide des chevaux. La présence d'enfants en nombre constitue alors une richesse, au moins dans un premier temps. Rapidement, lorsque les enfants ont grandi, la ferme ne produit plus assez pour toutes les bouches à nourrir.
A plusieurs reprises dans l'année, la famille RENAUD se rend au moulin de Lamballe -et pas ailleurs- pour y faire moudre sa récolte de grain.
L'obligation qui est faite alors à chaque laboureur de moudre son grain dans le moulin désigné par le propriétaire des terres qu'il exploite, à l'exclusion de tout autre, est très mal perçue par les paysans, qui se trouvent sans possibilité de négocier le prix auprès du meunier, ou d'en choisir un autre.
Le meunier, avec une telle clientèle captive, applique souvent le tarif qu'il souhaite ou, parfois, ne rend pas en farine l'équivalent du grain qui lui a été porté.
Pour cette raison, la demande d'obtenir le droit de livrer le grain au moulin de leur choix, en fonction des prix pratiqués par chaque meunier, figure dans de nombreux cahiers de doléance rédigés en 1789.
Si le cahier de doléances de la paroisse de La Malhoure ne le mentionne pas, celui de Penguily est explicite :
Cahier de doléances de la trève de Penguily (première page)
[cliquer pour agrandir]
« Mémoire des griefs des abbitans de la trève de Penguily, paroisse de Landehen, évesche de Dol.
Sire,
demandon que les labureure et autre ÿret au moullin ou bone leure semblere. Sere justise. Pourquoi. »
Si la Révolution donna satisfaction à cette demande, en rompant le lien entre propriétaires terriens et meuniers, elle ne permit pas en revanche d'attribuer suffisamment les terres aux paysans qui les cultivaient.
Trop pauvres pour les acheter à l'Etat qui les avaient confisquées aux nobles, ils laissèrent leurs terres se faire acheter par une classe émergente de nouveaux propriétaires, souvent issue des bourgs et des villes.
C'est ainsi que les fermes et métairies, propriétés de la noblesse locale depuis de nombreux siècles, devinrent rapidement celles de la bourgeoisie locale.
Mes ascendants RENAUD/RENAULT continuèrent à devoir un loyer aux nouveaux propriétaires, payable à la Saint-Michel. Cette date du 29 septembre fit trembler de peur plus d'un paysan de l'époque, fermier ou métayer.
Jean-Marie Renault
Écrire commentaire
Frédérique (vendredi, 15 novembre 2024 09:55)
Merci pour ces articles si intéressants et si riches d'enseignement