Le château de La Hunaudaye est une forteresse médiévale située à Plédéliac (Côtes d'Armor). Construit au Moyen-Âge par la famille de Tournemine, remanié à la Renaissance par la famille de Rieux, ce château-fort a été démantelé au XVIIème siècle.
Les ruines ont longtemps servi de carrière de pierres pour les populations des campagnes. La dégradation est arrêtée depuis un siècle, et ce monument historique a fait l'objet d'une forte rénovation.
Avec la forêt qui l'entoure, le site est aujourd'hui un lieu touristique fréquenté.
Ruines du château de la Hunaudaye (dessin JMR 1969)
La forêt de La Hunaudaye n'a pas toujours été le lieu romantique et plaisant que l'on connaît aujourd'hui. Elle était un lieu inhospitalier et sombre, où travaillaient quelques familles de charbonniers et de sabotiers.
Tel fût le cas de Jeanne BROUTE (1837-1903) et de ses enfants. Mais avant de parler de la forêt de la Hunaudaye, arrêtons-nous un instant sur cette personne.
J'ai découvert récemment l'existence de Jeanne en m'intéressant à la ferme du Grand Clos à La Malhoure (Côtes-du-Nord) où était né mon arrière-grand-père Joseph RENAULT.
Joseph, après la guerre de Crimée en 1855, avait ouvert un bureau de tabac et avait quitté une ferme surpeuplée qui ne donnait pas du travail à chacun.
C'est François, le frère aîné de Joseph, qui reprit l'exploitation de la ferme après le décès de leur père Jean RENAUD en 1856. C'est à cette époque que l'état-civil de leur commune modifie l'orthographe du patronyme de mes ascendants, qui passent de RENAUD à RENAULT.
François RENAUD (RENAULT) épouse Jeanne BROUTE en 1855. Jeanne, native de Plénée-Jugon, s'installe dans la ferme de son mari après le mariage.
François meurt hélas assez jeune à la ferme du Grand Clos, laissant Jeanne, sa veuve de 31 ans et ses 6 enfants, dont le dernier, Marianne, n'a que 8 mois.
La ferme du Grand Clos en La Malhoure (photo JMR 2020).
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Jeanne ne se remarie pas et tente de poursuivre courageusement la conduite de la ferme, notamment avec l'aide de son fils aîné Jean Marie et de son beau-frère Mathurin. Ce dernier quitte rapidement les terres du Grand Clos pour s'installer dans la commune voisine de Plestan.
Seule et sans doute épuisée par la lourdeur des travaux agricoles et des tâches ménagères rendues nécessaires par la présence de nombreux enfants, Jeanne doit abandonner la ferme dont elle ne parvenait sans doute plus à honorer les loyers, une ferme tenue depuis deux siècles par la famille RENAULT.
Vers 1872, elle quitte définitivement le Grand Clos et s'installe avec quatre de ses enfants dans la forêt de la Hunaudaye.
Commence alors une vie nomade, misérable et épuisante de travailleuse des bois, faite de coupe forestière et de confection de charbon. Ses enfants François et Victorine RENAUD resteront toute leur vie auprès d'elle dans la conduite de sa pénible activité, vivant dans des huttes successives.
François conduit simultanément une vie de sabotier et de charbonnier. Il défriche et déboise les parcelles autorisées, à la demande de leurs propriétaires. Avec sa mère, il confectionne le charbon de bois selon des techniques et des rituels bien maitrisés.
Hutte de charbonniers à Paimpont vers 1900.
Les huttes de La Hunaudaye étaient semblables à celle-ci.
Les habitants des bois sont très mal considérés par ceux des villes et des campagnes, et constituent une population vulnérable.
Jeanne BROUTE et ses deux derniers enfants vivent en dehors de la société et sont les proies de personnes mal intentionnées.
C'est ainsi que Victorine est mise enceinte dans des conditions probablement brutales et met au monde un fils prénommé Joseph en 1903, né de père inconnu, quelques semaines seulement avant le décès de sa Jeanne.
A 66 ans, Jeanne qui n'a pas été épargnée, décède. A l'image de ce vieux château de La Hunaudaye, elle a été robuste mais ses forces l'ont finalement quittée.
François et Victorine décèderont à leur tour à Plédéliac en 1920 et 1922, derniers témoins de la vie matériellement misérable de leur mère, une femme courageuse qui se sera battue seule toute sa vie dans la dignité pour assurer un avenir moins cruel à ses enfants.
Ainsi s'achève dans le plus grand dénuement la vie de la belle-sœur de mon arrière-grand-père Joseph RENAUD (RENAULT), une femme tenace, veuve prématurément, chassée de sa ferme et poursuivie par la misère du Monde.
Les enfants de Joseph, quant à eux, seront instituteur, officier marinier, quartier-maître, ...
Quels déterminants culturels et sociaux, au sein d'une même famille, ont pu conduire à des parcours si profondément différents ?
Jean-Marie Renault
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VERONIQUE ESPECHE (lundi, 11 novembre 2024 15:40)
Très beau billet, comme un conte à rebours ... Du château à la chaumière
Un bel hommage rendu à une femme courageuse ... portée par la volonté d'avoir le mieux pour ses enfants