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E comme...Ecolier pendant la guerre 14-18

Remarque sur l'article D comme...

 

Dans le cadre du Challenge AZ 2024, l'article d'hier

 

"D comme... Décret de mariage"

 

a rencontré une impossibilité d'être téléchargé dans Flipboard. Certains d'entre vous n'y ont donc pas eu accès.

 

Vous pouvez toujours en prendre connaissance ICI (cliquer).

 

 

  • Etre écolier pendant la Grande Guerre

 

L'article  d'aujourd'hui tient à la proximité du souvenir de l'armistice du 11 novembre 1918.

Il doit beaucoup à ma mère, Marie LE BAILL, qui a relaté par écrit ce qu'avait pu être la scolarité d'un enfant, mon père Jean RENAULT, durant la guerre.

 

Jean est né à Trémeur (Côtes-du-Nord) le 30 décembre 1908. Il entra à l'école élémentaire à l'âge de 5 ans. Il n'avait pas encore 6 ans en 1914 quand éclata la "Grande Guerre", qu'on appela plus tard la Première Guerre Mondiale.

 

Ses parents, instituteurs, étaient logés à l'école. Le père de Jean, prénommé Jean-Baptiste, fut mobilisé dès le mois d'août 1914, et sa mère éleva seule durant la guerre ses deux enfants Marie et Jean.

 

En 1919, au retour de son père (n'oublions pas que le 11 novembre était un armistice et les armées restèrent mobilisées jusqu'au printemps 1919), Jean RENAULT était inscrit en 6ème au lycée de St-Brieuc où il était interne, et n'habitait plus à l'école de Trémeur.

 

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Augustine JEAN (Mme RENAULT) et ses enfants Marie et Jean en 1915.

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  • Quand vous serez devenus grands, vous serez soldats

 

Il est tenu un Cahier spécial de devoirs mensuels que l'enfant doit conserver pendant toute la durée de sa scolarité. Il est déposé à l'école.

 

Sur la page 2 de couverture figurent les recommandations adressées à l'élève qui reçoit le "présent cahier". En voici quelques extraits.

 

"Enfant ! Faites en sorte de pouvoir un jour regarder cet abrégé de votre vie scolaire sans devoir en rougir…"

 

Il est recommandé de se comparer, non aux autres mais à soi-même, pour mesurer les progrès.

 

"Faites toujours des efforts, afin de faire toujours des progrès : c'est la loi de l'école parce que c'est la loi de la vie, les hommes y sont soumis tout comme les enfants."

"Enfant ! Songez encore à ceci : on ne travaille pas pour soi seul dans ce monde, on travaille aussi pour les autres. Les petits enfants eux-mêmes, sans y penser, travaillent pour leur pays. Car les bons écoliers feront les bons citoyens."

"La France a besoin de travailleurs et de gens de bien. Le paresseux fait du tort à lui-même, sans doute, mais il fait tort surtout à son pays... Je veux travailler, je veux devenir meilleur non pas seulement parce que c'est mon intérêt, mais parce que c'est mon devoir."

Le 11 décembre 1914, on y trouve une copie :

 

"Aux petits Français,

Quand vous serez devenus grands, vous serez soldats. On n'est un vrai soldat que lorsque l'on s'habitue de bonne heure à la tempérance, à l'exercice, à tout ce qui rend fort, robuste et courageux. Il faut aussi vous habituer à l'obéissance, car la France, pour être bien servie, veut des soldats disciplinés et des hommes soumis aux lois"...

 

Chaque mois, on y trouve un problème, des exercices, une dictée, des écritures.

 

Le lundi 7 février 1916, la dictée intitulée "Paroles d'une fermière" parle de cette femme dont le mari est mobilisé et qui mène ses bêtes à l'abreuvoir sous les obus... "Il faut s'y habituer" !

 

L'exercice d'invention du samedi 11 mars 1916 (on notera qu'il y avait classe le samedi) concerne le régiment. Le samedi 10 avril 1916, la dictée décrit la joie du papa qui, au front, reçoit une lettre de son enfant.

 

Tous ces devoirs sont rédigés à l'encre violette et à la plume Sergent-Major.

 

Jean RENAULT, écolier à Trémeur (1915)

 

  • La récréation et les jeux

 

Mais il y a aussi la récréation et les jeux. C'est sans danger à cette époque, on peut jouer partout aux alentours de l'école située pourtant en bord de route, et, après la classe, jusque dans le bourg.

 

Tout garçon qui se respecte (et c'est le cas de tous) possède un excellent couteau avec lequel il fabrique ses jeux et jouets.

 

On joue au pirlipipet, dont Jean RENAULT a décrit par ailleurs lui-même la fabrication.

Dans le ruisseau qui borde la route, on fait des moulins à eau. On réalise des sublets (sifflets).

Le bois du sureau permet de réaliser des tamponnes, sortes de pistolets à air comprimé.

On joue aussi au tek, sorte de tennis dont la raquette est faite d'écorce de chêne. Et n'oublions pas les jeux de canettes (billes).

 

  • La guerre, partout dans les esprits

Depuis l'école, on entendait bien passer les trains à proximité. Ceux-ci intéressaient fortement les garçons (Jean RENAULT rêva alors de devenir mécanicien), et les nombreux convois américains de 1918 emplissaient la campagne du bruit de sifflet de leurs locomotives.

 

Etre écolier de 1914 à 1918 était inséparable de la vie quotidienne des familles en temps de guerre. Rappelons que de tous les soldats de la classe 1916 (jeunes gens nés en 1896) de Trémeur, un seul revint vivant, et gravement blessé.

 

Il y avait alors à Broons un hôpital, peut-être situé dans le couvent, où étaient accueillis des militaires de retour du front et fortement choqués psychologiquement. Il fallut un soir en faire sortir un qui s'était introduit dans  l'école de Trémeur, tâche physique que Madame RENAULT réalisa sans crainte.

 

Jean Baptiste RENAULT, instituteur, devant l'école de Trémeur.

 

 

Sa jeunesse trémeuroise avait beaucoup marqué Jean RENAULT et il est toujours et en toutes circonstances resté fidèle à sa commune natale. A travers ses récits, nous nous représentons fort bien toute son enfance.

 

 

Jean-Marie Renault

d'après les notes de Marie Le Baill

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Commentaires: 5
  • #1

    Sophie (mercredi, 06 novembre 2024 12:09)

    Bonjour,
    J'ai adoré votre article! J'en avais écrit un en dehors du Challenge AZ sur ma grand-mère Marie, écolière en 1914... Parce que j'ai un cahier d'éducation Morale en ma possession. https://larbresuitsaracine.wordpress.com/2024/09/18/marie-forget-10-ans-en-1914/
    Je vous souhaite une belle journée.

  • #2

    Marthe (mercredi, 06 novembre 2024 16:49)

    Merci beaucoup pour cet article, il m'a rendu plus réel le quotidien « à l'arrière ».

  • #3

    Christine Luxemburger (jeudi, 07 novembre 2024 09:42)

    Bravo. Mon grand-père né en 1909 a connu cette atmosphère. Mais j'ai dû chercher dans les livres, la famille n'ayant rien gardé.

  • #4

    Camille (jeudi, 07 novembre 2024 20:10)

    Très joli article.

  • #5

    HERVE (vendredi, 08 novembre 2024 00:28)

    Merci Jean Marie pour ce bel article...

(c) Jean-Marie Renault, 2008-2024

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