80 ans après, enfin reconnue "Morte pour la France"

Le 6 août 1943, Delphine LE GALL, cousine de ma grand-mère, était arrêtée à son domicile de Guingamp par la police de Vichy, sur dénonciation de son ancien chef de réseau communiste.

 

Cette trahison vaudra à ma grand-tante un interrogatoire musclé au commissariat de police de Saint-Brieuc, parmi la quarantaine de Résistants communistes raflés à la même époque dans le Trégor, puis l'emprisonnement à la prison Jacques Cartier de Rennes, le regroupement au fort d'Alfortville et enfin la déportation en Allemagne, au camp de concentration de Ravensbrück.

 

Sa faute ? Avoir planqué chez elle plusieurs responsables d'un parti interdit, dont le fonctionnement devenu clandestin visait à résister contre l'occupant nazi.

 

Delphine paya de sa vie sa contribution à la Résistance. Devenue faible, ne contribuant plus suffisamment à son devoir de production, elle fut assassinée à l'âge de 56 ans par gazage le 19 février 1945. Les SS ne maintenaient pas en vie les personnes devenues inutiles à leurs yeux.

 

Veuve et sans enfant, elle laissait derrière elle deux frères et une sœur qui obtinrent en 1946 qu'elle fut reconnue morte, mais sans mention particulière sur la nature de son décès.

 

Delphine était ainsi une morte parmi les mortes, sans reconnaissance officielle d'une participation à la Résistance. Son courage et son martyre restaient ignorés des listes officielles des Résistants, et le site Mémoire des Hommes restait silencieux à son sujet. Seuls plusieurs témoignages de Résistants et quelques précieux ouvrages sur la Résistance dans le Trégor confirmaient, au-delà du mutisme des autorités, que Delphine avait été déportée et assassinée pour son action de Résistance.

 

Je n'ai découvert l'existence de Delphine LE GALL qu'en avril 2023, et je n'ai alors pas compris le silence des autorités à son sujet. J'ai fait l'hypothèse que, dans la confusion et l'effervescence de la Libération, sa famille n'avait alors pas su entamer les démarches nécessaires à une reconnaissance.

 

Je me suis alors fixé l'objectif de réaliser moi-même cette démarche, près de 80 ans plus tard, pour faire reconnaître Delphine au-delà de la simple mention de son nom sur le monument aux morts de Guingamp. 

 

En mai 2024, après plusieurs démarches infructueuses, j'ai sollicité l'ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants) puis l'Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation dans les Côtes-du-Nord (AFMD22). Cette dernière accepta de porter ma demande et le dossier de reconnaissance d'une mention "Morte pour la France" au profit de ma grand-tante.

 

Je suis infiniment reconnaissant à cette association et à son président, Jimmy Tual, d'avoir œuvré efficacement auprès de l'ONACVG (Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre), puisque je reçois ce jour la décision de reconnaissance, datée du 21 août 2024 (cliquer pour agrandir) :

 

 

Depuis le 21 août de cette année, soit 81 ans après son arrestation brutale et 79 ans après son assassinat par la barbarie nazie, il est enfin reconnu pour la première fois que ma grand-tante Delphine LE GALL, née MORLAIS, est "Morte pour la France", c'est-à-dire dans un combat de Résistance contre l'occupant et pour la Liberté.

 

Après cette étape décisive, il reste encore beaucoup à faire : s'assurer que cette mention soit inscrite sur son acte de décès, faire reconnaître à Delphine le statut de Déportée, créer un lieu de mémoire dans une ville où les sépultures LE GALL-MORLAIS n'existent plus, les concessions étant arrivées à échéance… Et trouver, telle une aiguille dans une botte de foin, la photographie qui nous permettra de découvrir enfin son vrai visage.

 

Je sais pouvoir compter sur un réseau bienveillant d'amis, d'associations diverses, d'historiens, d'habitants de Guingamp, de Grâces et de Plouisy, d'archives municipales et départementales et de journalistes qui m'accompagnent en chemin.

 

Je dois bien ça à Delphine. Maintenant que je sais, j'ai le devoir de faire savoir.

 

Certains disent de moi que je suis opiniâtre… Peut-être un peu. 

 

 

 

Jean-Marie Renault          

        

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