Le visage de Delphine ?

 

Habitué à regarder cette émission, je suis de nouveau La Grande Librairie sur la 5. Ce soir, Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020, échange avec Augustin Trapenard et ses invités sur son dernier roman, Le Nom sur le mur. Le romancier, qui a retracé le parcours du jeune résistant André Chaix, indique comment il a pu construire un roman à partir de matériaux qu'il ne possédait pas au départ mais dont il avait pourtant besoin pour bâtir son récit.

 

Je suis d'autant plus attentif que, depuis plusieurs mois, je tente également de bâtir un récit de vie, celui de Delphine Le Gall, arrêtée chez elle à Guingamp par la police de Vichy puis déportée à Ravensbrück d'où elle ne reviendra pas. Je ne l'ai pas connue, bien qu'elle soit la cousine de ma grand-mère. J'ai découvert son existence il y a un an seulement. Veuve et sans enfant, peu de gens semblent s'être souciés d'elle et de sa mémoire à la Libération.

Pas d'effets personnels, un doute sur son adresse exacte, des références bibliographiques peu nombreuses et parfois légèrement contradictoires...

Mon projet me paraît certains jours un peu compromis, et il faut le courage que me procurent quelques personnes dont Maryse et Mireille, petites-filles de Léontine Le Gall, l'amie de Delphine, ainsi que le quotidien breton Le Télégramme et sa journaliste Enora Nicolas pour continuer à avancer et à y croire encore.

 

Hervé Le Tellier dépose précautionneusement une petite boîte sur la table, qui s'avère contenir divers objets ayant appartenu à André Chaix. Exactement ce que je cherche à obtenir depuis des mois sur Delphine. Et sa photo, précieusement conservée. De mon côté, Delphine Le Gall reste encore la résistante sans visage...

 

Par quel miracle notre romancier a-t-il pu obtenir ce trésor inestimable, point de départ de son écriture ? Sa réponse tient en un sigle : l'ANACR.

 

L'ANACR ! L'Association des Anciens Combattants et Résistants, comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ! Je me perdais en messages sans réponses auprès de maintes institutions alors qu'une ressource possible restait inexploitée, celle de cette association que je devais contacter au plus vite.

 

Un grand merci à notre prix Goncourt qui, sans le savoir, relançait mes démarches et me donnait un nouvel élan.

 

L'ANACR donna suite à ma demande de renseignements en la diffusant parmi ses réseaux. En peu de temps, je pus échanger avec le président de l'AFMB (Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation) des Côtes d'Armor qui me proposa en retour une photographie de "Mme Le Gal".

 

Là aussi, un grand merci sincère à son président, Jimmy Tual.

 

Portrait probable de Delphine LE GALL-MORLAIS

Photographie fournie par l'AFMB 22

 

Comment savoir s'il s'agit bien de Delphine, dont je cherche désespérément tous les indices de vie à Guingamp depuis des mois ?

 

Ce cliché fut probablement communiqué par un de ses frères, peut-être Edouard, à la Libération lorsque les organismes d'accueil des déportés de retour des camps lançaient des appels à toutes les familles concernées afin d'aider à reconnaître les personnes arrivant en nombre, notamment à l'hôtel Lutetia de Paris.

 

Sur son verso, la mention "Mme Le Gal" est bien limitée mais présente l'avantage inestimable d'exister, de nombreux clichés étant définitivement anonymes.

 

"Mme Le Gal" est-elle Delphine Le Gall ? Aujourd'hui, seule une déduction logique permet de s'en convaincre presque totalement.

 

L'expression "Mme" indique que "Le Gal" est son nom marital, ce qui est le cas de deux femmes déportées : Delphine et son amie Léontine. Dans la mesure où il ne semble pas y avoir de déportée "Le Gal" mais deux déportées "Le Gall", et puisqu'il ne fait aucun doute qu'il ne s'agit pas de Léontine, il ne pourrait s'agir que de Delphine.

 

"Presque totalement"... Idéalement, il serait nécessaire qu'un témoin puisse le confirmer. Mais qui ? Seuls des presque centenaires pourraient l'avoir connue quand ils étaient adolescents. Mais pourquoi pas leurs descendants, qui auraient pu voir cette photo traîner chez un voisin ou chez son frère Edouard ?

 

Je n'en suis pas à ma première bouteille à la mer, et certaines me sont revenues avec un joli message : le quotidien Le Télégramme a bien voulu continuer à m'accompagner en rendant cette photo publique dans un récent appel à témoignage. Un grand merci à sa rédaction de Guingamp et à sa journaliste Enora Nicolas !

 

Je croise les doigts, dans l'attente d'un petit miracle.

 

 

 

Jean-Marie Renault         

 

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